
Les piquants du marron

Collection complète reliée, commandée par Yvonne dans les années 70.
Malheureusement, les couvertures papier des livres ont été retirées.
Les tribulations d’un auxiliaire 1916
Propriétaire pendant la guerre 1917
Les tribulations d’un jeune écrivain 1918
Les tribulations d’un poilu 1918
Les impressions d’un nouveau né 1918
Les impressions d’un défunt 1918
Les contes violets 1922
Scéniophrès 1922
Les impressions d’une nouvelle mariée 1922
Chez les sauvages 1926
La maîtresse d’acier 1926
Les piquants du marron 1929
Le cierge qui fume 1930
La diabolique tragédie 1954
Feuilles de platane 1954
Mensonges 1964
Chimères dans mon ciel 1966
Sous ce format « journal » fort incommode, nous trouvons en fait, sous le titre « Charlette se marie », les « Impressions de la Nouvelle Mariée », publié en 1922.
Autre publication en format journal :
Le 26 novembre 1922, dans la Vallée des Rois, en Egypte, Howard Carter et Lord Carnavon ouvrent la tombe de Toutânkhamon, et l’égyptologie franchit un tournant décisif.
Elle a déjà pris un nouvel essor à la fin du XIXème siècle, le pillage de tombes ayant laissé la place à une démarche scientifique, dont témoignent de nombreuses publications très documentées.
Revenons à Pierre Coutras, né en 1889. Il suit des études classiques jusqu’à la Licence de Droit. Ses propres recherches, sa curiosité, font de lui un homme cultivé qui suit de près l’actualité et les fabuleux progrès du début du XXème siècle.
Continuer la lecture de ScéniophrèsPierre Coutras publie « Mensonges » en 1964, c’est son avant-dernier roman. Construit de manière originale, le roman propose deux voies et deux fins alternatives. Ce procédé permet à l’auteur d’exposer ses théories originales.
En attendant une analyse plus complète, nous présentons ci-dessous deux « prière d’insérer » décrivant ce roman.
Pierre Coutras achève ce roman le 13 septembre 1930.
Il dédie ce livre à ses filles : Yvonne alors âgée de 16 ans, et Jeanne qui en a 4.
Le personnage principal, occultiste et mage noir, raconte les angoisses qu’il va vivre en découvrant, dans les yeux de sa petite fille, le signe de sa mort inévitable lorsqu’elle atteindra ses 20 ans.
Romancé mais très autobiographique, ce livre est le reflet de l’amour que Pierre Coutras éprouvera toute sa vie pour ses deux filles, amour incontestable pour tous ceux qui ont approché cette famille, accédé aux journaux intimes et aux courriers familiaux.
En 15 chapitres, Pierre Coutras décrit les affres d’un père voyant grandir une enfant adorée tout en sachant qu’il la perdra à une échéance de plus en plus proche. Nous la voyons nous aussi grandir, et il est évident que la petite Audette est Jeannette, et que la jeune fille Aude est Yvonne.
Nous savons aujourd’hui que ce malheur arrivera : Pierre Coutras subira la perte de sa fille aînée Yvonne, âgée de 64 ans, en 1978, alors que lui même est âgé de 89 ans. Il lui survivra 3 ans. Prémonition ? Peut-on dire que l’on provoque les événements que l’on redoute trop ? Il n’y a pas de réponse.
La partie sentimentale du roman est extraordinaire, par la justesse des descriptions des phases par lesquelles passe ce père désespéré.
Mais on ne peut négliger l’implication des arts occultes dans l’histoire. Pour ceux que cela intéresse, penchons-nous sur cet aspect du roman.
C’est dans un autre article à venir que nous analyserons l’apprentissage occulte que décrit Pierre Coutras dans « Le cierge qui fume » et dans ses autres romans, ses sources, ses pratiques et son accomplissement.
A l’exception du premier chapitre, intitulé «Au Nom du Père et du Fils et du Saint Esprit !» chacun des 14 chapitres suivants porte le nom d’un démon.
Est-ce juste un effet de style, destiné à renforcer l’idée que le narrateur est bien un mage noir, où peut-on aller plus loin ?
S’il a une connaissance approfondie de ces démons, il faut que Pierre Coutras ait étudié la Theurgia Goetia, une des parties du «Lemegeton», ou «Clavicule de Salomon», ou bien la Pseudomonarchia daemonum. Et dans ce cas, il y aura un lien entre le contenu du chapitre, et le choix du démon qui le parraine. Ce sera l’objet de l’étude qui suit.
Attention, les résumés des chapitres ci-dessous racontent l’histoire, il vaut mieux lire « Le cierge qui fume » avant d’aller plus loin…
Chapitre 1
Dans ce chapitre très court, deux pages, le narrateur décrit son environnement, celui d’un mage noir, et se demande s’il peut raconter cette histoire…
Chapitre 2
A l’âge de 20 ans, le narrateur a étudié toutes les branches des sciences occultes, dans l’ombre, fabrique de l’or, et a donné son âme au Diable.
« Mais je la lui avais reprise en constatant que je n’en avais pas »
Chapitre 3
En découvrant qu’il peut être fou d’amour pour sa petite fille, le narrateur pose des questions qu’il vaut mieux ne pas poser, et obtient une réponse qui va lui gâcher la vie.
Chapitre 4
Convaincu qu’il ne peut rien empêcher, le narrateur prend le problème à l’envers, et tente de se consoler en considérant les avantages qui accompagnent le malheur à venir, et ses côtés positifs.
Méphistophélès
Prince de l’Enfer, il incarne parfois le diable sur terre : c’est sous sa forme que le diable rend visite au Docteur Faust.
Il est la personnification de la négation.
« Je suis l’esprit qui toujours nie ; et c’est avec justice : car tout ce qui existe mérite d’être détruit, il serait donc mieux que rien n’existât »
Chapitre 5
Un peu avant 3 ans, l’enfant tombe gravement malade, et son père pense que la malédiction se réalise plus tôt que prévu.
Sa souffrance est indicible, et il invoque Dieu et tous les saints auxquels il ne croyait plus.
Chapitre 6
L’enfant guérit miraculeusement, et son père est déchiré entre la joie immense et le chagrin à venir.
Chapitre 7
L’enfant se porte de mieux en mieux. L’amour de son père grandit encore, et avec lui les angoisses.
Il passe le plus de temps possible avec sa fille, la regardant dormir la nuit, et voudrait arrêter le temps.
Chapitre 8
Aude atteint 7 ans, l’âge de raison, et demande à ne plus dormir dans la chambre de ses parents.
La séparation est une grande souffrance pour tous, mais surtout pour son père, qui doit désormais monter à l’étage pour surveiller le sommeil de sa fille.
Il imagine ce que seront les nuits sans Aude dans la chambre lorsqu’elle aura vraiment disparu.
Asmodée
Asmodée est un des rois de l’enfer. Il possède trois têtes : de buffle, d’homme et de bélier. Il a la queue d’un serpent et les pattes d’une oie. Il chevauche un dragon infernal et porte une lance. Il enseigne la géométrie, l’arithmétique, l’astronomie, la gématrie, l’artisanat. Il peut rendre l’invocateur invisible et lui faire connaître les trésors cachés, mais il sème aussi la dissipation et la terreur.
Chapitre 9
Aude prépare sa première communion.
Elle est très mystique, et son père pense basculer à nouveau vers la religion catholique, éventuelle source de réconfort.
Mais il demeure « dans son matérialisme et sa désespérance ».
La vision de Aude en tenue de communiante éveille en lui le souvenir de sa petite sœur décédée, ensevelie dans sa robe de communion.
Zapan
Le Lemegeton le mentionne en 61e position de sa liste de démons. Selon l’ouvrage, Zagan ou Zapan est un des grands rois de l’Enfer. Il apparaît comme un buffle avec des ailes de griffon, pouvant prendre forme humaine. Il peut transformer le vin en eau, le sang et l’eau en vin. Il peut transformer des morceaux de métal en pièces de monnaie du même métal. Il peut rendre les hommes sages. Il dirige 33 légions infernales. Il est aussi le démon de la révolte.
Chapitre 10
Aude a 10 ans. Son père a souhaité qu’elle ne fasse pas d’études, elle n’apprend que ce qui lui plait. Elle n’est plus blonde aux yeux gris-bleus, mais châtain foncé aux yeux noirs : Yvonne prend la place de Jeanne.
Aude excelle dans les travaux féminins, comme sa mère, en musique, en peinture et en dessin. Elle aime et conduit les automobiles, au mépris des lois.
Dans ce long chapitre, le narrateur liste tout ce qu’il n’aime pas, puis tout ce qu’il aime, et Aude a les mêmes dégoûts et les mêmes passions que son père…
Satan
Présent dans le satanisme, le judaïsme, le christianisme et l’Islam, Satan incarne le mal et la tentation. Créature céleste, il est à l’origine l’« accusateur » ou l’« adversaire » avant de devenir le Diable, prince des démons.
Il est parfois associé au Serpent de la Genèse, à Baal, Belzébuth et Méphistophélès…
Chapitre 11
Aude a 15 ans…
Sa beauté se révèle.
Elle fait son « entrée dans le monde » à l’occasion du grand bal organisé pour son anniversaire.
Chapitre 12
Aude a 16 ans, son père 40.
Il se sent vieux, alors qu’il voit la puissance de la jeunesse dans sa fille…
Leur relation est de plus en plus fusionnelle, et il a le sentiment que lorsqu’elle disparaitra, lui et sa lignée s’éteindront également.
Un jeune homme s’éprend d’Aude, elle l’aime aussi, on les fiance…
Chapitre 13
Le narrateur amène sa fille chez un vieux mage, son maître en sciences occultes.
Celui-ci annonce au père désespéré une nouvelle extraordinaire : Aude est amoureuse, elle est sauvée, le signe d’Astaroth a disparu de ses yeux !
Sisciah
Nous avons affaire ici à un démon-serpent plutôt rare de la tradition hindoue… Tellement rare qu’on n’en trouve aucune illustration !
Astaroth à qui est attribué « le Signe » ici est un puissant duc. Il a la figure d’un ange devenu fort laid, se montre chevauchant sur un dragon infernal et tient une vipère dans sa main gauche. On l’identifie à son odeur fétide, et celui qui le fait venir doit prendre garde à son insupportable puanteur en tenant sous ses narines un anneau magique en argent pour se préserver de son odeur. Il enseigne les arts libéraux et permet de connaître le présent et l’avenir.
Chapitre 14
La joie du père est de courte durée : il connait maintenant le regret d’avoir gâché toutes ces années dans une angoisse inutile…
Chapitre 15
Aude se marie et quitte la maison.
Son père, livré à lui-même, lassé de ses richesses inutiles, décide un soir d’invoquer le Diable…
Il rumine, regrette, et puis…
Il est nécessaire de lire ce dernier chapitre, témoignage d’une véritable transmutation alchimique…
Les sceaux des démons présentés dans cette colonne sont dus à Samuel Liddell « MacGregor » Mathers (1854 – 1918), grand maître des sciences occultes, un des fondateurs de l’Ordre Hermétique de la Golden Dawn.
Nous voici au bout de nos observations…
Pour trouver un lien évident entre le démon qui parraine chaque chapitre et son contenu, il faut aller beaucoup plus loin dans l’étude de la démonologie, ce qui peut être le travail d’une vie.
Ces liens ne sont pas apparents ici. Peut-être n’y en a-t-il aucun.
Il y a cependant des éléments remarquables : citer des démons est à la portée de tout le monde, même sans posséder le Lemegeton, et Pierre Coutras a pu lire cet ouvrage ou un autre sur le sujet, fort à la mode à l’époque où il écrit, dans la mouvance du courant occulte amorcé à la fin du XIXème siècle.
Par exemple le « Dictionnaire infernal » de Collin du Plancy.
Plus intrigantes sont les citations de Ahriman, Sisciah, Typhon, relevant de traditions plus rares, donc d’études plus poussées.
Autre évidence : parmi toutes les sciences occultes, le narrateur choisit de pratiquer la Magie Noire et la Goétie.
Cette discipline est généralement abordée par des hommes (les femmes se tournent plutôt vers la Magie Blanche, ou Verte, aussi appelée Sorcellerie) en recherche de richesse et de pouvoir, la richesse par la transmutation alchimique des métaux, le pouvoir par l’invocation des démons et autres entités néfastes.
Cette pratique est fermement condamnée par l’Eglise, et on peut donc considérer le choix du narrateur, élevé dans la tradition catholique, comme une révolte, un reniement.
Mais c’est aussi très cohérent avec la personnalité de l’auteur, son milieu et son époque, nous y reviendrons dans un article consacré à sa relation avec l’ésotérisme.
Ici commence le voyage initiatique…
Etrangement, Les Contes Violets sont le premier livre de Pierre Coutras que j’ai lu, petite fille… Il est vrai qu’il nous avait certainement transmis à nous, les petits-enfants, son goût pour l’étrange et l’épouvante…
Il est vrai que mes parents me laissaient lire ce que je voulais…
Il est vrai que nos parents nous laissaient les soirs de vacances, entre enfants, nous raconter des histoires de fantômes…
Voici 13 nouvelles (13 !) toutes différentes, mais dans lesquelles nous retrouvons des thèmes récurrents dans l’oeuvre de Pierre Coutras :
la mort, les fantômes, les squelettes, la folie… l’instant où tout bascule…
Pierre Coutras décrit les faits, réels comme imaginaires, avec une grande précision, démontrant une certaine expertise en conduite automobile (pas de surprise sur ce sujet !) mais aussi en pilotage d’avion, ou en dissection de cadavre, ce qui me laisse plus perplexe…
Deux de ces nouvelles témoignent de son horreur de la peine de mort, en particulier de la guillotine, que l’on finira par abolir… 60 ans plus tard.
Toutes révèlent, sous un apparent détachement, la crainte, l’horreur de ce qu’on ne peut maîtriser : la mort.
Propriétaire pendant la guerre !
Publié en 1917
Librairie académique
Perrin et Cie,
libraires-éditeurs
35 quai des Grands Augustins
Imprimé à Poitiers
Imprimerie G. Roy
rue Victor Hugo
Le sujet est donné dans la préface écrite par Pierre Coutras : les difficultés rencontrées par les petits propriétaires suite aux lois les concernant promulguées pendant la guerre.
On trouvera dans l’article sur la pièce de théâtre « La question des loyers » des explications sur le contexte juridique de l’époque.
Le héros du livre est d’ailleurs le même que celui de la pièce : Paul Vartigué, 67 ans, propriétaire…
Un bel avenir semble promis à Jean-Baptiste du Pégal, avocat célèbre du barreau de X…, fortuné, fiancé à la ravissante Hélène de Kerwadec…
Exempté par le Conseil de révision quelques années avant que la grande guerre n’éclate, il décide néanmoins de s’engager… ainsi commencent les tribulations d’un auxiliaire…
Oui, cette Maîtresse d’Acier est bien une automobile !
Car si une histoire d’amour traverse ce roman, la véritable héroïne, c’est l’Automobile, et le véritable sujet, c’est la passion du personnage principal pour elle.
Ecrite en 1925, cette œuvre est le chant que Pierre Coutras offre à l’Automobile.
Après une première publication en 1927, La Maîtresse d’Acier est rééditée en 1954, enrichie d’illustrations réalisées par la fille aînée de Pierre, Yvonne, mais sans la couverture dessinée par Claire Finaud-Bounaud.
Dans cette nouvelle préface, Pierre Coutras écrit : « Je suis le frère de l’Automobile, ayant assisté à sa naissance, ayant grandi avec Elle. Je l’ai passionnément aimée, je l’ai farouchement défendue. »
En effet, l’Automobile a eu, a toujours, ses fervents admirateurs, mais aussi de solides détracteurs.
« La Maîtresse d’Acier » est le témoignage d’une époque, qui aidera peut-être les jeunes générations à comprendre pourquoi, pour certains « anciens », dont je suis, l’Automobile est un des plaisirs de la vie, fait partie intégrante de la vie.
Aussi parce qu’elle a participé à l’émancipation des femmes, donnant à celles qui l’ont souhaité un moyen d’évasion, d’autonomie, d’indépendance.
C’est grâce à Fabien Perez, ami de la famille et passionné d’automobile, que « La Maîtresse d’Acier » de 1954 est rééditée en ce mois de mars 2022.
Il en parle magnifiquement dans cet article, et je lui laisse donc la parole.