Première édition en 1919
Editions de La Revue des Indépendants
240 pages
Réédition aux éditions de La Sauterelle en 1930
Préface par Auguste Mestrallet
Illustrations de A.-U. Perruche
pour l’édition de 1930
« Les Tribulations d’un Poilu » ont été pour moi une agréable découverte.
Et non, je ne l’avais jamais lu.
J’ai bien sur commencé mes articles sur les romans de Pierre Coutras par les « tubes », gardant pour la fin les moins connus, pour moi en tout cas, et celui-ci étant le plus volumineux de ces derniers…
Publié en 1919, ce roman est le 4ème de Pierre Coutras, qui nous a déjà livré les « Tribulations d’un auxiliaire », celles « …d’un jeune écrivain » et celles d’un « Propriétaire pendant la guerre ».
Les trois premiers sont, comme ceux qui suivront d’ailleurs, totalement autobiographiques.
Alors, que peut nous dire de la vie d’un Poilu un écrivain qui n’a pas été au front ?
La préface d’Auguste Mestrallet (1856 – 1929, cousin par alliance) est un peu longue, mais elle reflète bien ce que l’on peut ressentir à la lecture de ces « Tribulations » : une agréable surprise.
Car la voilà, cette surprise, ce roman parle surtout d’un jeune homme atypique, considéré par tous dès son enfance comme un abruti, qui va petit à petit laisser la place à un héros.
Justin Taradol, dit Gribouille, n’a rien pour lui. Physique ingrat, capacités intellectuelles apparemment limitées, il est la risée de tous.
Orphelin très tôt, il n’a qu’un excellent ami, qui disparait lui aussi sans laisser de traces du jour au lendemain, le laissant dévasté.
A 20 ans, il est exempté du service militaire pour « faiblesse mentale ».
Mais lorsque la guerre éclate, il décide de s’engager.
Justin Taradol est l’archétype du héros pur, innocent, le chevalier idéal prêt à servir, et pour qui s’ouvrira peut-être le périlleux chemin vers le Graal.
Pierre Coutras n’expose pas ici ses habituelles critiques du système, des lois et des règlements, même si la séquence des formalités d’engagement que doit subir Gribouille est un morceau d’anthologie.
Non. Ici, le principal sujet, c’est la différence entre ce qui motive un humain dans sa manière d’agir, et ce qu’en perçoivent « les autres ».
Au travers des déboires de son héros, Pierre Coutras livre une analyse très fine de la facilité avec laquelle on est jugé, catalogué, ostracisé.
Quoi que fasse ou que dise Gribouille, il est critiqué, jusqu’à ce que la vie enfin lui rende justice…
Car tout finira bien… enfin, ça grince un peu, quand même… Est-on vraiment satisfait de voir Gribouille, enfin, Monsieur Taradol, devenir quelqu’un de « normal » ???
Publié dès la fin de la grande guerre, le roman est réédité en 1930, enrichi des illustrations de A.-U. Perruche, en couverture, et au fil du texte.
L’Agenda de 1930, au jeudi 3 avril, nous apprend que c’est sur les conseils de sa mère que Pierre Coutras « décide tout d’un coup de rééditer les « Tribulations d’un Poilu » avec les dessins de Perruche »
Ces illustrations typiques des années 30 apportent beaucoup de charme à la lecture, et j’aurais aimé en savoir plus sur la relation entre Pierre Coutras et son illustrateur, mais cela viendra peut-être un jour ?
Voici tout ce que j’ai trouvé sur internet, en espérant qu’il s’agit de la bonne personne :
Albert Perruche
Matricule de l’Ecole des Beaux-Arts : 6745. Albert Perruche, né à Avignon (Vaucluse) le 7 juin 1891, élève de l’École régionale d’architecture de Marseille (en décembre 1911), admis en 2è classe le 30 décembre 1911, obtient une mention en exercices d’histoire de l’architecture et 2 2è mentions en éléments analytiques pour un total de 3 valeurs entre le 23 janvier et le 23 juillet 1912 (Archives nationales de France, 19920445/126, feuille de valeurs)
En conclusion, si j’ajoute à tout cela un style alerte, léger, humoristique, et beaucoup d’érudition (la seule lecture de Gribouille est le Dictionnaire Larousse, dont il ne se sépare jamais), un héros sensible et émouvant, un effroyable guerre et une belle histoire d’amour, je trouve ces « Tribulations d’un Poilu » très réussies.
Et si vous ne les avez jamais lues, ou si vous les avez oubliées, j’espère vous avoir donné envie de les lire ou relire.
Poursuivons notre parcours initiatique… Nous avons déjà vu le Mat (ou le Fou) associé à un autre roman, mais il s’impose à nouveau ici, symbole de l’innocent qui à tout à découvrir.
Muni d’un maigre bagage, et harcelé par un animal, il garde confiance en l’avenir et avance sur le chemin de la Connaissance.