Chez les sauvages, critiques et polémiques

Chez les sauvages
Chez les sauvages

Publié en 1926

Editions de Pro Arte

208 pages

« Chez les sauvages » n’est pas un roman.

C’est une compilation d’articles que Pierre Coutras a écrit pour les journaux du 28 décembre 1920 au 2 octobre 1925.

On peut regretter que le journal support ne soit pas mentionné à la fin de chaque article, comme est mentionnée la date.

Les articles (60 environ) sont classés par ordre chronologique. Les sujets sont variés : politique, juridique, automobile, et nous retrouvons le Pierre Coutras défenseur des libertés et critique envers toute réglementation, tout impôt, toute contrainte…

Quelques articles sont écrits « pour remplacer celui de notre distinguée collaboratrice Thylda, qui n’est pas parvenu à temps », et sont signés « Tante Babé ». (Sans doute en hommage à sa tante Elisabeth Coutras (1809-1893) ainsi surnommée)
Dans ces articles Pierre Coutras nous parle de la mode, féminine ou masculine, ce qui est assez inhabituel.

Le principal sujet reste l’automobile, ou plutôt la défense de l’automobile. Pierre Coutras dénonce (déjà il y a 100 ans !) l’« autophobie » régnante, génératrice de réglementations contraignantes, incomplètes et contradictoires.
Précisons que le terme « autophobie » désigne une névrose, déjà décrite en 1910 : la crainte morbide d’être seul ou isolé. Il est amusant de voir que Pierre Coutras, bien qu’ayant étudié le grec, ait utilisé ce mot pour désigner la phobie des automobiles…

Permis de conduire les motocyclettes 1909 verso
Permis de conduire les automobiles avec moteur à pétrole obtenu le 9 mars 1909 par Pierre Coutras verso

Le « Code de la Route » officiel date de 1921, et le « Permis de Conduire » de 1922. En tout cas des versions proches de ce que nous connaissons aujourd’hui, qui viennent remplacer des réglementations plus adaptées aux voitures à chevaux, ayant évolué de manière assez erratique devant l’invasion rapide de l’automobile.

Lorsque Pierre Coutras a commencé à conduire une automobile, en 1909, il était déjà obligatoire d’avoir une autorisation de conduire un véhicule motorisé et un certificat autorisant à le posséder depuis 1896. Les premières réglementations de la circulation datent de 1899, et l’obligation d’immatriculer les véhicules de 1901.

La lecture de ces articles est fort intéressante pour comprendre le climat qui règne au début des années 20 autour de l’automobile en pleine expansion.
Devant l’invasion de ce nouveau moyen de transport, les législateurs, qui n’anticipent pas son développement, préfèrent protéger les piétons, les voitures à chevaux, les vitrines des commerces (que les automobiles éclaboussent en roulant trop vite dans les rues boueuses.)
En effet, les piétons ont du mal à changer leurs fonctionnements : ils lisent le journal sur la chaussée, s’y regroupent pour discuter, descendent du trottoir ou du tramway sans regarder… et les accidents sont nombreux.

Les partisans de l’automobile protestent, dénoncent cette phobie des automobiles et demandent que l’on s’applique plutôt à éduquer et discipliner les piétons.
Et aussi que les pouvoirs publics améliorent les rues et les routes, dont l’état semble lamentable, au point de casser les voitures.

Bibendum Michelin puzzle
Pierre Coutras a rendu hommage -entre autres – à la Société Michelin.

Pierre Coutras écrit plusieurs articles – et plusieurs lettres – à ses confrères journalistes – pour demander que la rubrique « accidents d’autos » dans les journaux soit renommée « accidents de la route », et il semble qu’il obtient gain de cause, tout du moins localement. (article du 4 septembre 1925 page 200)

Dans la plupart des articles, Pierre Coutras remercie les industriels qui font avancer le progrès, tandis que les politiques, fonctionnaires et bureaucrates ne savent que le freiner par toutes sortes de brimades.

Le fait de lire une compilation peut amener à ressentir une certaine lassitude par rapport aux thèmes récurrents, il n’empêche… que sur le fond… les idées de Pierre Coutras ne sont pas si absurdes.
Quant à son agacement par rapport à la stigmatisation de l’automobile de l’époque, on ne peut que le comprendre, même si les motifs d’aujourd’hui sont différents.