Jean-Pierre Rey, fils de Henri Rey, fils de Marguerite Rey, sœur de Suzanne Rocheblave, épouse de Pierre.
(extrait de mémoires)
Devais-je placer ce texte dans mes rencontres initiatiques ou dans mes témoignages ? En fait, il participe des deux.
Pierre Coutras a représenté plus qu’une rencontre, car il a fait partie de mon entourage familial immédiat et il a influencé ma personnalité, en remplaçant les grands pères qui me manquaient et en étant également un modèle.
C’était mon grand oncle par alliance. Il avait épousé la sœur de ma grand-mère paternelle. Il a tenu une place importante dans ma famille, puisqu’il a joué le rôle de père, pour mon propre père qui avait perdu le sien à l’âge de quatre ans.
Grâce à la bonne entente et à la complicité entre son épouse Suzanne et ma grand-mère Marguerite, il a constitué une famille autour des deux sœurs, de ses deux filles Yvonne et Jeannette et des deux garçons : mon père Henri et mon oncle Maurice.
Chacun vivait chez soi, mais les relations étaient très fréquentes entre les enfants et les deux mères, qui se rendaient visites et services presque tous les jours.
L’apogée de ces relations était le moment où tout ce petit monde allait séjourner dans les « campagnes » de Pierre, d’abord le Petit Prignon près d’Aix en Provence, puis le Castanier sur la Corniche des Cévennes.
La personnalité de Pierre Coutras influença profondément l’esprit de mon père en lui inculquant la passion de la mécanique, l’indépendance d’esprit et l’amour de la famille.
Pierre Coutras était avocat, écrivain, peintre, poète, philosophe, indépendant de toute école de pensée ; il est inclassable. Il a exposé ses idées dans de nombreux ouvrages, il les a également illustrées dans un grand nombre de tableaux.
Le terme qui définirait le mieux sa personnalité serait, peut-être, une originalité forcenée ou un vrai anticonformisme.
Il s’est intéressé à tout, il a écrit sur tout et à chaque fois il a exposé sa propre vision, que ce soit sur le plan philosophique, littéraire, artistique, politique, juridique, historique ou religieux.
Ce qui peut ressortir de l’ensemble c’est l’amour de sa famille, l’indépendance totale envers les pouvoirs officiels, la critique des lois, l’apologie de l’homme vertueux, du « bon père de famille », respectueux de l’autre, ce qui aurait évité, d’après lui, la nécessité des lois et des codes liberticides et sources de conflits.
Il avait distingué deux catégories chez les hommes et leurs œuvres. La première, à laquelle il appartenait, était capable de tout comprendre et de s’émanciper de toutes contraintes, la seconde était soumise aux lois et à l’assistance de l’Etat.
Pierre Coutras a été également passionné par l’évolution des techniques. Il a assisté à la naissance et au développement de l’automobile qui a été pour lui une véritable passion.
Il s’est intéressé très tôt à la photographie, au cinéma et à tout ce qui pouvait développer et faciliter chez l’homme la faculté de créer.
Pionnier, il a pratiqué le camping, le tourisme automobile ; il a été parmi les premiers à posséder des résidences secondaires, n’hésitant pas à s’installer dans des endroits alors inaccessibles, où il se rendait régulièrement avec son « clan » au moyen de voyages problématiques, à la limite de l’aventure, arrivant dans des maisons dépourvues d’électricité et de tout confort, mais peuplées de merveilleux fantômes et entourées d’une nature encore préservée.
Mon père, qu’il considérait comme un fils, fut profondément marqué par cette personnalité.
D‘abord l’amour des siens, le besoin de les rassembler autour de lui dans des lieux magiques et privilégiés.
Puis l’indépendance d’esprit et d’action, le refus d’appartenir à un parti, un syndicat, un mouvement quelconque ; la résistance à toute forme de totalitarisme, croyant peut être, mais non pratiquant.
Enfin, l’intérêt, presque la passion, de la mécanique que ce soit l’automobile, mais aussi l’horlogerie ou l’électricité.
Mon père, avec son oncle, a assisté ou participé à des courses de voitures ou de motos.
Ils allaient fréquemment ensemble dans les résidences secondaires qu’il fallait entretenir. Au cours de ces têtes à têtes privilégiés, mon père a pu écouter, échanger, s’informer, pour ensuite adapter cet enseignement à sa propre nature.
Puis les fêtes de Noël, à l’occasion desquelles Pierre Coutras réunissait tout le monde dans son Capharnaüm, les repas de famille au Petit Prignon ou au Castanier, rassemblèrent les nouveaux venus dans la famille : ma mère et sa famille, puis moi-même et mon frère.
Pierre Coutras avait été choisi pour être mon parrain. Son influence s’est exercée sur moi de deux façons.
D‘une façon indirecte, par mon père qui avait été élevé en partie par son oncle jusqu’à son mariage, à l’âge de dix neuf ans. Mon père m’a raconté d’innombrables épisodes de son enfance ou de son adolescence, où il était très souvent question de « Tonton » comme il l’appelait.
Il me rapportait, toujours avec respect et admiration, d’innombrables histoires, d’où ressortaient, non seulement les faits, mais aussi l’esprit.
Si bien que lorsque j’étais mis en présence de mon parrain, j’étais très impressionné par le personnage, mais aussi par ce que je savais déjà de lui.
L’environnement dans lequel il évoluait, mystère du Capharnaüm ou des demeures secondaires si différentes du monde quotidien et ordinaire, augmentait cette impression.
Lorsque je fus en mesure de comprendre, je pus dialoguer directement avec lui, ensuite lire ses œuvres qui apportaient un éclairage sur la personnalité de leur auteur.
Peut-être n’est ce pas à moi d’évaluer l’influence qu’exerça Pierre Coutras sur moi, mais je peux cependant dire que l’amour inconditionnel de la famille et une recherche d’indépendance d’action et d’esprit, me viennent de lui.
Je fais partie des trois générations qui dans cette famille doivent beaucoup à cet homme qui a vécu à cheval sur deux siècles et qui a été sans doute un visionnaire sur l’évolution de notre monde, jusqu’à aujourd’hui.