1901 – 1965
Henry Petiot, né le 19 janvier 1901 à Épinal et mort le 27 juillet 1965 à Tresserve, est un écrivain et historien français, reçu à l’Académie française en 1955.
Il prend en 1926 le nom de plume de Daniel-Rops, sans doute inspiré du nom du dessinateur belge Félicien Rops.
Nous disposons d’une importante correspondance entre Pierre Coutras et Henry Petiot, surtout pour la période 1918 – 1922 : des originaux de Henry Petiot, et les copies ou brouillons des réponses de Pierre Coutras.
Nous faisons le choix de ne pas les publier, une correspondance reste intime, mais d’en communiquer seulement une chronologie. Nous la tiendrons cependant à disposition pour toute personne légitime ou habilitée pour en prendre connaissance.
Pierre Coutras et Henry Petiot sont tous deux dévorés du désir d’être publiés, et c’est Pierre Coutras qui va donner cette première chance à Henry Petiot, en le faisant publier par les éditions de le Revue des Indépendants, et en le parrainant à la Société des Gens de Lettres.
Il est assez surprenant de voir que cette période de la vie du grand écrivain que fut Henry Petiot est passée sous silence. Pour Wikipédia, sa carrière littéraire débute en 1923, et la liste de ses œuvres démarre en 1926, c’est à dire uniquement celles publiées sous le nom de Daniel-Rops.
Puisse cette page faire connaître les quelques mérites de Pierre Coutras dans le démarrage de la flamboyante carrière de Daniel-Rops…
La période Henry Petiot, 1918 – 1926
Henry Petiot contacte en 1918 l’Association des Littérateurs Indépendants (A.L.I.) pour demander du soutien pour faire connaître ses écrits. Il a 17 ans, et c’est Pierre Coutras, âgé de 29 ans, qui lui répond.
Ils entretiendront une considérable correspondance de 1918 à 1926. Nos archives regroupent pour cette période 42 lettres, cartes et télégrammes signés « Henry Petiot ».
Pierre Coutras est d’abord nommé « cher confrère », puis « cher confrère et ami » à partir de février 1922, et enfin « cher ami » à partir de mars 1922.
Henry Petiot publie ses premiers poèmes dans « La République de l’Isère ».
Il envoie régulièrement à Pierre Coutras, qui reconnaitra immédiatement son talent, les mêmes vers, ou d’autres, à publier dans un des journaux dont il s’occupe.
Le premier envoi, du 18 février 1919, consiste en des vers sur Edmond Rostand. Pierre Coutras les reçoit le 20, jour où la Ville de Marseille fait des obsèques grandioses au grand homme, dont le corps est revenu de Paris, funérailles auxquelles Pierre Coutras a assisté. Il indique à Henry Petiot qu’il publiera ses vers dans la « Revue de Marseille », qu’il est en train de fonder, et qui devrait sortir en avril.
Pierre Coutras abonne Henry Petiot à la revue « l’évolution des lettres , des arts et du théâtre » le 10 mars 1919 (par un mandat de 6 francs…). En retour celui-ci envoie à la revue un commentaire sur « Les tribulations du Poilu », que Pierre Coutras vient de publier, et qui figurera dans la revue de mai 1919.
Le 4 septembre 1919, Pierre Coutras écrit à Henry Petiot pour lui faire savoir qu’il crée le journal « Le Petit Bourgeois », et lui demander d’être le correspondant de ce journal en Isère. Il accepte, et le journal, pour l’Isère, sera domicilié à Grenoble chez Henry Petiot, qui reçoit sa carte de correspondant.
Le 14 septembre, Pierre Coutras se rend à Grenoble pour un déjeuner chez Henry Petiot, c’est la première fois qu’ils se rencontrent.
Il publiera ensuite un conte de Henry Petiot dans « Le Petit Bourgeois », et un poème dans « La Revue de Marseille »
Henry Petiot transmet aux nombreux journaux dont il est le collaborateur des critiques des livres de Pierre Coutras. Nous n’en avons malheureusement que des évocations dans les lettres, sauf une coupure attachée à la lettre du 3 octobre 1919, ci-dessous.
A cette même lettre, il joint un bulletin d’abonnement à la revue « Les Mosaïques Littéraires », dont il est « chargé de faire la propagande ».
Toujours dans cette même lettre, Henry Petiot explique qu’il va participer à un concours de la revue Lectures pour tous, et aussi qu’il va présenter au Comité de l’A.LI (Association des Littérateurs Indépendants) une étude littéraire : « La manière de Pierre Coutras » « où je vais étudier votre style et vos procédés »…
Pierre Coutras publie le poème « Epitaphe » d’Henry Petiot dans le numéro 8 de la « Revue de Marseille » du 28 janvier 1920.
Dans une lettre de septembre 1920 (date illisible), Henry Petiot indique à Pierre Coutras qu’il va fonder à Grenoble la revue « Les Cahiers Nouveaux », et il lui demande des conseils.
Pierre Coutras publie dans le numéro 17 de la « Revue de Marseille » du 28 octobre 1920 la nouvelle d’Henry Petiot « Sur la table d’opération ».
En 1920, Henry Petiot publie avec l’appui de Pierre Coutras « Quelques poèmes des Beaux Soirs Clairs », aux éditions de la Revue des Indépendants.
Dans une lettre de mars 1921, Henry Petiot demande à Pierre Coutras s’il a le numéro de janvier de « La revue de Constantinople » : « nos deux noms y voisinent, vous avec vos « Poèmes du chauffeur », moi avec mes « Beaux soirs clairs ». »
Pierre Coutras publie le poème « Reine d’Egypte » d’Henry Petiot dans le numéro 23 de la « Revue de Marseille » du 28 mai 1921.
Pierre Coutras est l’un des deux parrains de Henry Petiot pour son adhésion à la Société des Gens de Lettres le 28 mars 1922. (Le second parrain serait le général Bruneau.)
Henry Petiot séjourne à Marseille chez Pierre Coutras du 18 au 21 avril 1922, et ils se tutoieront à partir de ce moment.
Il conclura dorénavant chacune de ses lettre par des salutations à Mesdames Coutras (épouse et mère), ainsi qu’à la « charmante Yvonne ».
Henry Petiot est venu à Marseille pour donner une conférence : « Les trois grâces de l’esprit français : Watteau – Verlaine – Debussy » (C’est Verlaine qui a initié Debussy à la peinture de Watteau) organisée par Georges Finaud et présentée par Pierre Coutras.
Dans sa lettre du 24 avril 1922, Henry Petiot indique écrire dans « La gazette des Alpes ». Il annonce aussi que Madame Coutras va recevoir dans les prochains jours un cadeau surprise. Il précise dans son courrier du 2 mai qu’il s’agit d’un vase en grès flammé.
Cette même année, il publie « Révolution ».
En juin et juillet 1922, les courriers de Henry Petiot sont à l’en-tête de « Tentatives« , la revue littéraire qu’il vient de créer avec l’artiste peintre Georges Gimel.
En 1923, Henry Petiot publie « Les voyageuses de l’île fermée ». Hélas, son roman est « éreinté » (l’expression est de lui) dans un article de « L’Homme Nouveau » du 10 novembre 1923, non signé mais certainement de Pierre Coutras. On a du mal à comprendre ce subit changement de ton…
Peut-être Pierre Coutras avait-il mal digéré la longue lettre que Henry Petiot lui avait envoyée fin 1922 pour le féliciter de son roman « Scéniophrès », mais dans laquelle aussi il lui signalait deux erreurs historiques…
La réponse qu’avait faite Pierre Coutras montrait clairement qu’il n’avait pas apprécié ce courrier. Il n’y avait d’ailleurs plus eu de correspondance après cette date.
La facilité avec laquelle on accède aux connaissances aujourd’hui nous permet de constater, sans grande surprise, que c’est Henry Petiot, agrégé d’histoire, qui a raison… Il n’y a que la vérité qui fâche…
Henry Petiot répond avec une relative sérénité à la critique, mais annonce qu’il va lui-même « donner un coup de griffe à ta « nouvelle mariée » » dans sa prochaine revue « Tentatives ».
C’est la fin de la relation cordiale.
Cela me rappelle évidemment la fin de l’amitié entre JRR Tolkien et CS Lewis pour cause de divergences d’opinions sur leur œuvres respectives…
Pierre Coutras recevra en 1924 un faire-part de mariage sans commentaires.
En mars 1926, il envoie un exemplaire de « Chez les Sauvages » à Henry Petiot, qui lui fait une réponse cordiale, laissant supposer une reprise de la relation.
Pierre Coutras a souligné sur cette lettre le passage rappelant « l’éreintement que tu m’as fait subir il y a trois ans » et ajouté des points d’interrogation, comme s’il ne comprenait pas de quoi il s’agit…
Il n’y aura plus d’échanges… pendant 20 ans !
La période Daniel-Rops, 1946 – 1964
C’est Daniel-Rops qui relance la machine, par un courrier à Pierre Coutras du 7 janvier 1946.
La relation pendant cette période est une sorte de dialogue de sourds… Pierre Coutras « découvre » (?) que le célèbre Daniel-Rops, « écrivain qu’il apprécie », est son ancien ami, Henry Petiot, dont il n’a plus de nouvelles depuis 20 ans…
Henry Petiot justifie son silence par un avis de décès d’un certain Coutras en 1930 à Marseille, dont il a cru que c’était son ami Pierre…
Il est possible que Pierre Coutras n’ait pas fait auparavant le lien entre Daniel-Rops et Henry Petiot, car ce n’est qu’à partir de 1946 qu’il commence à garder les coupures de presse le concernant.
Nous disposons d’une dizaine de lettres et de mots de Daniel-Rops pour cette période.
Il répond toujours très brièvement, mais avec beaucoup de courtoisie et de diplomatie à son toujours-ami dont il n’a plus le temps de s’occuper.
En juillet 1946, il envoie deux livres dédicacés à Jeanne, la fille cadette de Pierre : « Jésus en son temps » et « Histoire Sainte » (Agenda 1946 – jeudi 4 juin)
De son côté, Pierre Coutras exprime sa tristesse, car même s’il comprend qu’il n’a plus sa place d’autrefois dans la vie de son ami, il ressent non pas de l’ingratitude, mais de l’abandon.
Un malentendu tourne autour de cette exposition du peintre Francis Rimbaud, à Aix en Provence en avril 1948.
Pierre Coutras croit que Daniel-Rops, qui parraine l’expo, est venu au vernissage à Aix en Provence sans le prévenir.
Daniel-Rops lui explique en retour qu’il n’est pas venu à Aix, mais à l’expo réalisée par ce même peintre plus tôt à Paris.
Cependant, il viendra une autre fois à Marseille, en janvier 1953, rencontrera des amis proches de Pierre Coutras, mais pas lui. Sous les reproches de son ami, il se justifiera en lui envoyant un emploi du temps fort détaillé, expliquant qu’il lui était impossible de lui consacrer du temps. Mais peut-être aurait-il pu l’inviter à sa conférence ?
Même tristesse lorsque Daniel-Rops revient faire une conférence à Marseille en février 1961, toujours sans contacter Pierre Coutras.
Ils échangeront par intermittence jusqu’au 8 mai 1964.
Ce jour là, un peu plus d’un an avant son décès, Daniel-Rops envoie à Pierre Coutras une carte à l’en-tête de l’Académie Française, qui se termine par : « me reposer ? pas le temps. […] On aura l’Eternité pour se reposer »…
Nous poursuivons ici notre voyage dans le Tarot, et l’Arcane 15, le Diable, s’est imposé de lui-même. Enfin, c’est Pierre Coutras qui l’a choisi, plutôt.
Dans un courrier du 29 janvier 1953, pour remercier Daniel-Rops de lui avoir envoyé son livre « L’Eglise de la cathédrale et de la croisade », Pierre Coutras lui écrit :
« Nous ne sommes pas du même côté de la barrière. Tu es du côté de l’Autel, dans la Cathédrale, et moi, je suis dehors ! Je fréquente le Diable. Tu travailles au grand jour, pour moi c’est occulte. Mais la Magie, la Fascination, l’Envoûtement, les Tarots, c’est aussi passionnant que l’Evangile… »
En fait, l’Arcane 15 n’a de diabolique que son illustration, à regarder de près. Dans un tirage, il représente l’intensité, le talent, la domination, la flamme, la prise de risque, l’inconscient… Ne va-t-il pas bien à ces deux passionnés ?
Regardez bien les deux personnages, apparemment tenus en esclavage par un diable pas vraiment effrayant : les liens qui les attachent sont lâches, symboles des tourments que nous nous infligeons nous-même…